FILET AMERICAIN OU STEAK TARTARE?
Comme tout le monde, en ce qui concerne la cuisine et les produits, il y a des choses qui m’énervent profondément. Je sais que je suis le premier à ajouter de temps en temps un peu de crème dans la carbonara ou dans le tarama et que ce n’est pas la recette d’origine et que les puristes secouent alors la tête de gauche à droite en fronçant les sourcils en ayant un air désolé sur le visage. Mais nul n’est parfait.
Je vous donne aujourd’hui 4 des mes petits chevaux de bataille à moi. Le premier c’est le ‘BAR DE LIGNE’. Cela m’énerve de voir cette appellation sur des petits bars de rien du tout, qui sont des bars d’élevage. J’en fais régulièrement la remarque aux poissonniers, avec plus ou moins de succès.
Le deuxième concerne les ‘BETTES’. De plus en plus souvent on voit sur les marchés et dans les grandes surfaces des paksoi (légume chinois) que l’on essaye de nous vendre pour des bettes. La, ou pour le bar de ligne, on a encore tout de même le même produit de base, ici les deux légumes n’ont rien à voir au niveau gustatif, même si le paksoi est un bon légume. Mais essayez de faire une tarte al djôte avec du paksoi, vous verrez que ce n’est pas pareil. Ce qui m’énerve encore plus, c’est la mauvaise fois des vendeur, qui, quand je leur signale l’erreur (volontaire ou pas) me disent simplement: oui je sais, mais c’est meilleur de goût que les bettes. Déjà ce n’est pas vrai et c’est vraiment stupide comme réponse. Pourquoi pas alors, vendre des pommes pour des poires?
Le troisième concerne les ‘MANDARINES’. Cette année ça va, je trouve, à côté des grands monticules de clémentines, quelques mandarines. Mais l’année passée j’avais vraiment eu difficile à en trouver. Le nombre de fois qu’on a tente de me vendre des clémentines pour des mandarines, je ne vous dis pas. Même si les goûts sont très proches, il y a tout de même une différence gustative, surtout lorsqu’on en fait des sirops. Pour ceux qui ne savent pas (plus), les mandarines sont un peu plus grosses que les clémentines, plus plates aussi sur le dessus et la base et généralement vendus sans la verdure.
Mon quatrième, dont je vais tenter de vous expliquer les différences, est quand on vous vend un ‘STEAK AMERICAIN’ pour un ‘STEAK TARTARE’ ou ‘TARTARE DE BOEUF’ et inversement. C’est énervant. Il s’agit de deux préparation très différentes, même si en grande partie les mêmes ingrédients sont utilisés. Ce plat mérite une petite explication, car au-delà des erreurs entre les deux versions, il faut déjà bien chercher pour trouver un restaurant ou une brasserie qui vous sert un tartare digne de ce nom.
Quelle est maintenant la grande différence entre les deux ?
STEAK TARTARE
Avant de débuter la confection d’un bon steak tartare, il y a quelques règles d’hygiène à prendre en compte. Vous savez que la viande crue est particulièrement sensible aux bactéries. Il faut donc prendre des précaution.
La première précaution est de briser le moins possible la chaîne de froid. Donc, dès que vous rentrez de vos courses chez le boucher, placer au plus vite le morceau de viande de boeuf que vous avez acheté, au frigo. Vous sortirez également cette viande de boeuf du froid au tout dernier moment, car ce plat ce prépare à la minute.
La deuxième précaution concerne le matériel. Vous allez découper votre viande de boeuf sur une planche à découper la plus propre possible. Evitez les planches en bois ou synthétiques trop abimés, car les bactéries se nichent dans les interstices. N’hésitez pas à bien nettoyer votre planche avec un produit de vaisselle, à bien la rincer et à la réserver au frais au frigo. De un, ainsi vous la préservez des bactéries et de deux, la planche étant froide, elle gardera mieux la température de la viande lors de la découpe de celle-ci. Il faut faire de même avec le couteau.
Dans cette recette il est également important que la viande soit servie bien froide. Rien de moins bon que de la viande crue tiède ou chaude. En dehors de la planche à découper, je vous conseille de placer les assiettes de service également au frigo afin qu’ils gardent la viande bien fraîche, une fois servie. Quand à la viande, afin de l’avoir bien froide et aussi pour aider à la découpe, placez-la pendant une petite demi-heure au congélateur. Elle est alors plus facile à couper en brunoise. Pour apporter encore plus de fraîcheur, vous pouvez servir les assiettes sur de la glace pilée.
Un troisième chose bien importante est dans le dosage. Il ne faut pas en faire trop. Pas trop de poivre, pas trop de câpres, pas trop de cornichons. Tout est dans l’équilibre et n’oublions pas que l’ingrédient principal est ici la viande, qu’il faut relever mais pas en masquer complètement le gout.
Encore une chose à ne pas faire, même si je sais que c’est très joli en présentation: ne pas servir le tartare surmonté d’une coquille d’oeuf avec son jaune dedans. L’oeuf sort du cloaque de la poule et ce n’est donc pas très propre. Mieux vaut, soit mélanger l’oeuf directement aux autres ingrédients et mélanger à la viande ou bien, creuser un petit trou dans la viande et y déposer le jaune tout simplement.
Maintenant, comment distingue-t’on le steak tartare du steak américain ?
Même le ‘Petit Larousse Illustré’ confond les deux, c’est dire!
Le steak tartare, dont sont dérivés depuis les tartares de saumon, de crabe etc etc, a été mis au devant de la scène par Jules Verne, qui a utilisé cette recette pour donner une couleur locale gastronomique à son roman ‘Michael Strogoff’ écrit en 1875. Il s’est basé pour cela sur des légendes, qui nous racontent que les envahisseurs barbares venus de l’est (les Huns d’Attila et les Tartares) il y a à peu près 1000 ans, se nourrissaient de viande crue qu’ils attendrissaient en la plaçant quelques heures sous la selle de leur chevaux. Jules Verne voulait surtout ici, d’une façon très subtile faire la distinction entre les peuples civilisés comme la France et sa cuisine délicate et subtile d’un côté, et la cuisine barbare qui ne pouvait qu’être non cuisinée, crue, rudimentaire, grossière. C’est marrant de retrouver de nos jours ce plat voulu barbare, aux meilleures tables et entouré d’une précision et de préceptes pointus. Ce plat est devenu très vite un grand classique, notamment dans le restaurant ‘Le Jules Verne’, situé au deuxième étage de la Tour Eiffel à Paris.
Mais en réalité ce plat n’est en rien d’origine ‘tartare’. Dans aucun pays slave (même pas chez les fameux tartares) nous retrouvons dans les anales, une recette de steak cru, haché et assaisonné. Pure invention, liberté de l’écrivain.
On l’appelle également ‘steak tartare français ou à la française’. Il s’agit d’une pièce de boeuf, coupée au couteau (ou au hachoir, mais c’est moins bon) et à la minute, agrémenté de condiments corsés qui relèvent les saveurs de la viande. Les condiments de base sont les cornichons, les câpres, la moutarde, le persil et les oignons. En ce qui concerne la viande utilisée, le plus souvent la recette est réalisé avec de la viande de boeuf. Mais vous pouvez remplacer celle-ci par de la viande de cheval, plus parfumée. Après, selon son goût personnel, on ajoute du tabasco et de la Worcestershire (sauce anglaise). La préparation est servie avec un jaune d’oeuf cru, qui sera ensuite mélangé par le convive, au tartare.
Le filet américain ou steak américain est une invention belge. Nous le devons à Albert Niels, qui l’a créé en 1924 et qui était à la carte du restaurant ‘Canterbury’ (Boulevard E. Jacquemain à Bruxelles). On ne sait pas pourquoi il a nommé ce plat ‘Américain’. On suppose que la raison en était simplement commerciale. La culture américaine était devenue très ‘trendy’ dans les années 1920. Donner un nom exotique ‘yankee’ à un plat était plus vendeur.
Son idée de départ était de pouvoir faire la recette en une fois en une plus grosse quantité, une demi-heure, voir une heure avant que les convives n’arrivent dans le restaurant et de pouvoir éviter que chaque garçon de salle ne fasse un tartare différent.
Il s’agit d’une adaptation ou interprétation du steak tartare et on le trouve dans beaucoup de restaurants, brasseries, snacks de notre beau pays. La grande différence avec le steak tartare est l’adjonction de mayonnaise. Cette version est une variante transcendée (comme le disait Jacques Kother) du simple tartare. En ajoutant la mayonnaise on ajoute en fait de l’huile et du vinaigre à la préparation. La version d’Albert Niels comportait en outre du piccalili (une conserve vinaigrée de légumes relevés d’épices fortes) coupé menu à la place de moutarde, 4 jaunes d’oeufs en plus par litre de mayonnaise. L’ajout de sauce worcestershire était une évidence car il avait vécu un certain temps dans la ville anglaise Canterbury (d’ou le nom du restaurant) Parfois il y mettais même du citron et des anchois. Les oignons et cornichons aigre-doux étaient présentés à part. Personnellement je ne déteste pas cette version, mais avec des frites, cela fait tout de même du gras avec du gras et cela manque de fraîcheur par rapport au tartare selon moi.
En Belgique nous ne le consommons pas seulement avec des frites, mais c’est également un fourrage de sandwich très très populaire. Il est alors appelé le plus souvent ‘Filet américain préparé’. Nous mangeons également le steak tartare cru, assaisonné de sel et de poivre et de cornichons, sur nos sandwich. Une version plus récente et très appréciée est le Martino, qui se compose d’américain, de moutarde, de ketchup et de tabasco.
La lecture du ‘Guide Culinaire’ d’Escoffier (1902) complique encore les choses. Dans ce livre, le ‘steak tartare à la française’ y est appelé ‘beefsteak à l’américaine’ et le ‘filet américain’ y est cité comme ‘beefsteak à la Tartare’. Alors que la première recette présentée est bien un steak tartare, la deuxième est en fait une préparation sans jaune d’oeuf et servi avec une sauce tartare. Elle n’a donc rien à voir avec le filet américain, dont l’invention est plus ancienne.
On retrouve également une recette de steak tartare dans l’édition 1938 du Dictionnaire Larousse gastronomique de Prosper Montagné.
Dans son « Praktishes Kochbuch » de 1845, Henriette Davidis publie une des plus anciennes recettes de bœuf cru : Rohes Beefsteak oder Beefteak à la tartare. Elle y mélange de la viande de bœuf maigre coupée, du poivre et du sel, puis elle confectionne des petits hamburgers crus, y creuse un petit trou et y dépose un jaune d’œuf. La viande est servie avec des oignons finement ciselés, des câpres, de l’anchois, des tranches de cornichon aigre ou des pickles.
Dans le « Dictionnaire Universel de Cuisine Pratique » de Joseph Favre en 1894, nous trouvons une recette quasi similaire, qu’il nomme Bifteque à la Turque, d’origine russe. De la viande de bœuf hachée, du sel, du poivre, 2 échalotes ciselées, des câpres marinés, des olives farcies, de l’oignon haché, de la ciboulette, des anchois, du citron et du pickles. Le tout terminé par un jaune d’œuf. Lorsqu’il dit Turque il veut dire Tatares, une peuplade nomade d’origine Turque, qui au 13e siècle combattit aux côtés de Djengis Khan, l’empereur Mongole. Avec la même légende dont je vous parlais déjà plus haut dans cet article.
Recette du steak tartare (ma version)
Relisez-bien les points cités plus haut concernant l’hygiène et la fraîcheur de la viande.
Joli non, les petits cornets à frites. Cadeau du fiston à Noël!
INGREDIENTS (1P) (A MULTIPLIER DONC SELON LE NOMBRE DE CONVIVES)
- 150 G VIANDE DE BOEUF DE BONNE QUALITE, DE PREFERENCE DE LA BAVETTE (KLAPSTUK) OU TACHE NOIRE, UN MORCEAU UN PEU PLUS VEINE DE GRAS, MATURE LEGEREMENT, ENTRE LES SEPT ET LES DIX JOURS
- 1 JAUNE D’OEUF
- 1 C A C SAUCE WORCESTERSHIRE (aussi appelé sauce anglaise et qui est un mélange de sauce soja, d’oignons et d’anchois)
- QUELQUES GOUTTES DE TABASCO
- 1 C A C MOUTARDE DOUCE (DANS MON CAS BISTER)
- 1 PETITE RASADE DE VINAIGRE NEUTRE OU DE CHARDONNAY
- POIVRE NOIR ET SEL MARIN
- 1 PETIT OIGNON HACHE FINEMENT (SELON LE GOUT) OU LA MEME QUANTITE EN ECHALOTES
- UN PETIT BOUQUET DE PERSIL PLAT HACHE FINEMENT (SELON LE GOUT)
- 1 C A S DE PETITS CAPRES (SELON LE GOUT)
- 2 CORNICHONS AIGRE-DOUX HACHE FINEMENT (SELON LE GOUT)
- QUELQUES JEUNES POUSSES POUR LA DECO, HUILE D’OLIVE ET VINAIGRE A L’ESTRAGON
Selon votre envie, vous pouvez aussi y mettre un peu de citron, de la coriandre, du gingembre, du ketchup, d’huile d’olive ou de sauce soja. Certains y mélangent également des filets d’anchois, mais à mon goût cela dénature un peu trop le plat.
PREPARATION
Mélanger tous les ingrédients pour le tartare, sauf le persil, l’œuf, le sel et le poivre.
Parer la viande en détachant les morceaux de gras et les membranes.
Poser la viande face à vous, les fibres de la viande en ligne avec à la lame. Découper des tranches de 4 mm de largeur.
Poser les lanières les unes sur les autres, et couper en lanières plus fines.
Rassembler les lanières de viande en petits fagots réguliers, face à vous, à l’horizontale.
Surgeler les lanières pendant 15 minutes, cela facilitera la découpe suivante.
Maintenir fermement de la main gauche le fagot de viande pour le rigidifier et trancher dans la largeur, contre le sens des fibres, en brunoise.
Mélanger la viande avec le mélange tartare à la dernière minute, assaisonner de sel, de poivre et de persil, puis servir sur des assiettes bien froides, surmonté d’un jaune d’oeuf. Décorer avec les jeunes pousses, que vous travaillez par exemple avec un peu d’huile d’olive, du vinaigre à l’estragon et du poivre.
Comme accompagnement, quelques frites naturellement.
P.S. Pour le filet américain, vous procédez de même, mais en ajoutant à la préparation également 1 à 2 c.à.s. de mayonnaise (maison).
Je vous livre également la recette du steak tartare du boucher Hendrik Dierendonck. Il s’agit en fait d’un filet américain préparé façon Martino. On pourrait donc l’appeler filet martino.
INGREDIENTS (2P)
- 400 G VIANDE DE BOEUF COUPEE AU COUTEAU
- 2 JAUNES D’OEUFS
- 1 C A C MOUTARDE DE DIJON
- 1 C A S KETCHUP HEINZ
- 1 C A C MAYONNAISE
- 8 TOURS DE MOULIN A POIVRE
- 4 C A S SAUCE WORCESTERSHIRE (DONC PAS DE SEL)
- 1/2 C A T TABASCO
- 2 C A S OIGNONS CISELES
- 1/2 C A S CAPRES HACHES
- 1 C A S PETITS CORNICHONS HACHES
- 1 C A S PERSIL HACHE
PREPARATION
Mélanger les éléments liquides, puis ajouter tous les condiments et mélanger à nouveau. Mélanger alors le tout à la viande, sans que cela ne devienne une bouillie.
Placer un cercle en inox au milieu de l’assiette et tasser la viande dedans. Enlever le cercle et surmonté d’un peu de salade assaisonnée.
Bon Appétit!
Et ma version, très proche de celle de Dierendonck
INGREDIENTS (2P)
- 450 G VIANDE DE BOEUF COUPEE AU COUTEAU
- 2 JAUNES D’OEUFS
- 1 C A C MOUTARDE TIERENTUYN BRUNE
- 1 C A C PICCALILY DE STER FINEMENT HACHE
- 2-3 C A S MAYONNAISE DE STER
- 10 TOURS DE MOULIN A POIVRE
- UNE PINCEE DE SEL
- 2 1/2 C A S SAUCE WORCESTERSHIRE (DONC PAS DE SEL)
- 1/2 C A T TABASCO
- 2 C A S OIGNONS DOUX FINEMENT CISELES
- 1 C A S CAPRES HACHES
- 1 1/2 C A S PETITS CORNICHONS HACHES
- 1 1/2 C A S PERSIL HACHE
REPARATION
4 heures avant, placer en saladier en metal au frigo.
Mélanger les éléments liquides dans le saladier, puis ajouter tous les condiments et mélanger à nouveau. Mélanger alors le tout à la viande, sans que cela ne devienne une bouillie.
Bon Appétit!
Grand merci pour cette explication
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De rien Jeannine, celà est beaucoup plus clair maintenant pour moi aussi. Il faut faire la remarque aux Brasseries dès qu’il y a erreur entre le filet américain et le tartare.
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Ce que je fais avec mes planches de travail parfois ç’est de le mettre dans un four très chaud pendant quelques minutes. Naturellement on peut faire ça que avec des planches en bois brut et qui sont traités avec de l’huile.
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Merci Manu. Mais à la maison je n’utilise que des planches en plastic. J’en ai de toutes les couleurs et épaisseurs. Celà se nettoyé plus facilement et il y a moins vite de la nourriture qui reste dans les traces laissées par les couteaux.
Mark
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Très sympa les explications.
Juste petite rectification c’est Joseph Niels et non Albert Niels
Bonne soirée
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Très sympa les explications.
Juste petite rectification c’est Joseph Niels et non Albert Niels
Bonne soirée
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Amaury,
Merci pour la présision, c’est effectivement Joseph. Albert étant son fils, qui a perpétué la tradition.
Mark
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J’ai eu l’occasion de manger un tartare de cheval dans le sud de la France, plus exactement à Bézier, et c’est vrai que ça a une saveur toute particulière, que j’ai trouvé délicieuse. En revanche je n’ai pas eu la chance de goûter à la recette du steak américain qui m’a mis l’eau à la bouche.
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🙂 Drag
Mark
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Je peut pas trouver le surnom de Mark su la page, pour le citer
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Mirko, Mark de Passion-Cuisine c’est bien.
Mark
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