BOULETS « SAUCE LAPIN » (A LA LIEGEOISE)
J’ai osé, en temps que Bruxellois, je me suis mis à faire des boulets à la liégeoise. Merci au liégeois de me dire si je les ai bien réalisés. Nous, on a trouvé ca super-bon en tous cas et on en refais de temps en temps.
La question que tout non-liégeois se pose, c’est d’où vient ce nom de ‘sauce lapin’, alors qu’il n’y a pas de lapin dans ce plat ? Le tout premier recueil de recettes édité à Liège en 1604 comprend une recette de « veau revestu » qu’on pourrait traduire par « veau déguisé » qui consiste en un hachis de veau façonné en « ronde boulle ». Il y a une recette équivalente, mais avec du poisson haché, qu’ils appellent « boulet ». C‘est une référence aux boulets de canons, qui existait déjà au XIVe siècle en France. Vers 1390, on y ajoute le suffixe -ette pour désigner des boules de viande plus petites. Vers 1604, ces boulets étaient servis avec une sauce à base de bouillon, aromatisée au citron et aux herbes. On est loin des boulets à la liégeoise actuels.
Au début du XXe siècle, on commence à les servir avec une sauce piquante. Il s’agit d’un velouté auquel on ajoute du vinaigre. C’est à l’époque, la base de beaucoup de recettes liégeoises. Ensuite on a commencé à faire des boulets à la sauce tomate. La première recette connue de boulet(te)s dites « à la liégeoise » apparait en 1927 et est à la sauce tomate
Et cette sauce lapin alors ? Ici, deux versions s’affrontent. En tout cas l’origine de cette sauce remonterait aux années 1930, même si il est difficile de la dater avec exactitude. Dans une première version, ce serait du recyclage d’un reste de sauce du « lapin aux pruneaux qu’on utilisait pour arroser des boulets avec. Ensuite on a commencé à préparer cette sauce spécialement pour les boulets et on a utilisé du sirop de Liège, de la cassonade, des oignons, de la bière et du vinaigre pour la faire. Parfois on y ajoutait des petits raisins secs. Les plus anciennes recettes qu’on a pu récolter datent des années 1950 et comportaient des pruneaux (ce qui atteste un peu l’origine), mais il est probable qu’elles remontent aux années 1930.
Une autre version nous parle d’une Madame Géraldine Lapin, née Corthouts et épouse d’Ernest Lapin (1868-1922), qui en serait à l’origine. Mr. Lapin était receveur des contreibutions directes dans la banlieue de Liège. Son histoire apparait dans le ‘Petit traité de la boulette’, écrit par Pierre-Brice Lebrun, mais un article de Pierre Leclerc, historien de l’alimentation et collaborateur scientifique de l’Université de Liège, conteste cette version pourtant plus sympathique. Pour lui il s’agit d’un mythe très récent, commencé comme une boutade dans un cet ouvrage de 2009 et pour lui, cette Madame Lapin n’a jamais existé, même si Wikipedia dit le contraire.
Donc, pour résumer, cette recette traditionnelle Liégeoise n’a même pas 100 ans dans sa forme actuelle. Même le terme ‘sauce lapin’ est récent. Dans l’après-guerre et jusque dans les années 80, le « boulet à la liégeoise » désigne souvent qu’une grosse boulette tout simplement rôtie à la casserole sans ajout d’une sauce particulière. La « sauce lapin » est alors utilisée dans les milieux populaires mais elle n’a pas encore trouvé sa place dans le canon officiel de la cuisine liégeoise, alors que les rognons et la salade à la liégeoise s’y trouvent déjà depuis un siècle. Ce n’est que vers 1980 environ, que le « boulet sauce lapin » qu’on trouve alors dans toutes les bonnes friteries et brasseries qui se respectent, prend progressivement le nom de « boulet à la liégeoise ».
Selon Pierre Leclerc, l’influence de deux recettes de « foie de veau à la liégeoise », très réputées dès le début du XXe siècle, y seraient également pour quelque chose. D’un côté, le foie de veau piqué Vieux-Temps qui comportait du sirop du pays de Herve, et de l’autre côté, le foie de veau à la Xhavée, dans lequel on retrouve du bouillon, du vinaigre, du sucre, des oignons hachés et des pruneaux. La combinaison des deux recettes donne une sauce très proche de la « sauce lapin ».
La recette que je vous donne ici devrait être assez proche de celle de Guy Stockis de la célébrissime enseigne liégeoise ‘Chez Lequet’ en ce qui concerne les boulets.
Dans sa sauce par contre, lui ne met pas de bière, ni de fond, quasiment que de l’eau, du sirop, du sucre et du vinaigre. J’y mets du fond et de la bière et j’en utilise une pas trop forte, la Piedboeuf, qui est aussi une bonne bière de table. J’ajoute également des baies de genièvre, du thym, du laurier’ et des clous de girofle pour plus de richesse aromatique. Il termine sa préparation avec un roux blanc. En ce qui me concerne, je préfère laisser bien réduire, en terminant si nécessaire avec un peu de maïzena liée avec un peu de sauce.
Les liégeois, vous m’excuserez de ce remplacement de vos traditionnelles frites mayo et salade par du riz blanc. Personnellement je les préfère avec des frites et la mayo apportant de l’acidité est intéressante. La salade par contre, je n’en vois pas l’intérêt gustatif dans ce plat. Mais mon épouse aime bien, en général, des boulettes avec du riz. Et ce que femme veut…
INGREDIENTS (4P)
Les boulets
- 1 KG HACHE PORC-BOEUF (EVENTUELLEMENT PORC-VEAU) 2/3 – 1/3
- 4 JAUNES D’OEUFS
- 1 OIGNON MOYEN
- 5 C A S PERSIL HACHE (FACULTATIF)
- 10 C A S BOMBEES DE CHAPELURE
- 15 CL LAIT
- 50 G BEURRE OU DE SAINDOUX
- SEL, POIVRE, MUSCADE
- FARINE
Pour la sauce
- 100 G OIGNONS HACHES FINEMENT
- 275 G SIROP DE LIEGE (SANS PRUNEAUX)
- 40 G BEURRE OU MIEUX ENCORE, DE SAINDOUX
- SEL, POIVRE
- 2 CLOUS DE GIROFLE
- QUELQUES BAIES DE GENIEVRE
- 1 FEUILLE DE LAURIER
- 1 BRANCHE DE THYM
- 1 C A C MARJOLAINE
- 40 CL PIEDBOEUF BRUNE
- 30 CL PIEDBOEUF TRIPLE
- 50 CL FOND BRUN DE VEAU
- 10 CL VINAIGRE BLANC
- 60 G CASSONADE (VERGEOISE FONCEE)
PREPARATION
Les boulets
Hacher l’oignon et le faire fondre à feu doux à la poêle dans du beurre ou du saindoux jusqu’à ce qu’ils soit transparent et légèrement doré. Il faut compter environ 5 minutes.
Mettre le haché dans un grand bol destiné à mélanger les ingrédients.
Verser sur le haché, les oignons cuits, refroidis depuis 2 à 3 minutes.
Mélanger grossièrement à la fourchette.
Incorporer ensuite les jaunes d’oeufs, le lait, le persil haché, la chapelure et assaisonner de poivre, de muscade et de sel.
Mélanger soigneusement le tout à la main afin de bien répartir tous les ingrédients dans la farce. La préparation est bonne lorsque le hachis ne colle plus aux doigts. Si ce n’est pas le cas, ajouter encore de la chapelure.
Réaliser des grosses boulettes (mais pas trop grosses non plus) et les fariner. Réserver. Vous allez obtenir environ 9 à 10 boulets.
Methode pratique pour à la maison
Enduire un plat à four de saindoux, y mettre les boulets et placer au four préchauffé à 180°C pour 40 minutes. De temps en temps, les retourner afin de les dorer de partout.
Sortir les boulets du plat. Jeter la graisse de cuisson. Verser un rien d’eau dans le fond du plat, racler pour décrocher les sucs et récupérer. Verser dans la sauce.
Passer rapidement les boulets à la poêle pour les dorer un peu plus et en terminer la cuisson dans la sauce. Déglacer la poêle avec un rien d’eau pour récupérer les sucs de cuisson. Verser dans la sauce.
Methode Lequet
Plonger les boulets dans de la graisse de boeuf à 160°C, pendant environ 15 minutes.
Il faut ici utiliser une autre graisse que celle utilisée pour les frites.
Il vous faudra donc 2 friteuses.
La sauce
Faire fondre un rien de beurre ou de saindoux dans une sauteuse large et y faire revenir le hachis d’oignons pendant 2 – 3 minutes.
Déglacer au vinaigre et poursuivre la cuisson pendant 5 minutes à feu moyen.
Remuer sans cesse, les oignons ne doivent pas colorer.
Ajouter alors la bière, le sucre, le sirop, le fond et les épices.
Bien mélanger le tout et laisser réduire pendant 45 à 60 minutes à feu doux, en ajoutant les boulets vers la fin pour les réchauffer.
On peut aussi préparer la sauce avant et la réchauffer le lendemain avec les boulets. Elle aura encore plus de goût et sera moins liquide.
La sauce doit être épaisse et brillante. Si la sauce vous semble trop liquide, la lier avec un peu de maïzena.
Bon Appétit!