MOUSSAKA
Si vous en avez marre de manger les moussakas infectes qu’on ose vous vendre en supermarché où même les moussakas douteuses qu’on vous sert dans certains restaurants soi-disant grecs (attention, il y a des bons aussi naturellement), il est temps d’en faire une vous mêmes. Mais attention, ça prend un certain temps, ne faites pas ça en rentrant du boulot à 19 heures.
Le plus important dans la recette est la texture et la cuisson des aubergines et des pommes de terre. Il faut en effet qu’ils ne soient plus gorgées d’eau, afin que lors de la cuisson de la moussaka, ils ne crachent pas trop d’eau. La moussaka ne peut pas être détrempée car elle sera difficile à dresser (ma dernière l’était encore un peu trop, je n’avais pas assez réduit la sauce viande). Important également d’avoir une sauce blanche assez épaisse qui elle non plus ne va pas trop humidifier le plat. Cela prend assez bien de temps, mais ce n’est rien comparé au plaisir de la dégustation après.
Il y avait des années que je n’avais plus fait de moussaka. Je me demande même si ma dernière moussaka ne datait pas de 2008, l’année de publication de la recette sur mon blog. Le fait qu’il n’y avait pas de photo’s pour visualiser le plat le laisse en tout cas penser. Me voila 12 ans de cuisine plus tard. Est-ce-que la recette allait encore tenir la route ? En 12 ans on évolue et les attentes sont de plus en plus élevées, on essaye de monter d’un cran à chaque tentative d’une recette, d’une cuisson, d’une préparation.
Et donc …. ma réalisation de ce mois de mai 2020 ?? Honnêtement, elle ne nous a pas tout à fait contentée. J’avais quelques circonstances atténuantes. Je n’avais déjà pas de haché d’agneau. Certes on peut utiliser de la viande de boeuf à la place, mais c’est tellement moins bon qu’avec de l’agneau que je vous conseille vivement de zapper le boeuf de la recette. Ensuite, il est primordial de bien choisir son plat de cuisson et surtout sa hauteur et de faire les quantités de pomme de terre, d’aubergine, de sauce et de béchamel adapté au plat. Pour moi l’idéal est de pouvoir réaliser 2 couches de pommes de terre et 3 d’aubergines, 2 couches de sauce tomate-viande et de terminer avec une belle couche épaisse de sauce blanche. Cette fois j’avais le choix entre le bon plat mais trop peu d’ingrédients ou un plat plus petit et moins haut avec donc moins de couches et surtout une dernière couche de sauce blanche bien trop fine. J’ai préféré la deuxième option, mais ca me manquait de gourmandise. Je n’étais pas satisfait également au niveau de la coloration du dessus du plat et je souhaitais des tranches d’aubergines un peu plus grosses. J’ai donc décidé d’adapter ma recette afin que les quantités conviennent a mon plat idéal et j’en ai profité pour approfondir mes connaissances concernant ce plat grec et de lire pas mal de recettes et d’astuces d’ami.e.s cuisinier.es, afin d’en distiller une version meilleure que celle que je faisais jusqu’à ajourd’hui.
Mais avant ça, un peu plus d’explications sur l’histoire et l’ADN de ce plat.
Déjà un plat nommé moussaka n’existe pas qu’en Grèce, mais aussi chez le voisin turque (musakka), en Serbie (mycaka), en Roumanie (musaca), en Bulgarie (mycaka), en Arménie, en Algérie et en Tunisie (msakaa). Il s’agit d’un plat traditionnel des Balkans, de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, avec des variations entre les pays au niveau de sa composition. Une constante chez tous : il y a de l’oignon, de la tomate et de l’aubergine. Le mot « moussaka » vient de l’arabe ‘musaqqa’a’ qui signifie ‘frais’. Dans le monde arabe il s’agit généralement d’un plat froid et frais.
La version grecque du plat est très récente et le fait que ce plat soit tellement associé avec la Grèce, c’est grace à son tourisme de masse qui en a favorisé la dispersion. Elle date de 1910 et on la doit au cuisinier Nikolaos Tselementes.
Nikolaos Tselementes est né à Exampela, un village sur l’île de Sifnos Il est élevé à Athènes où il termine l’école secondaire. Dans un premier temps, il travaille comme clerc de notaire puis il commence à cuisiner et travaille dans le restaurant de son père et de son oncle.
Il étudie la cuisine durant un an à Vienne (Autriche) et, à son retour en Grèce, travaille pour différentes ambassades. Il se fait connaître par le magazine Guide culinaire (Odigos Mageirikis) dans lequel il commence à écrire. Celui-ci contient, outre les recettes, des conseils nutritionnels, de la cuisine internationale, l’actualité culinaire, etc. Il écrit son premier livre en 1910, Tselementes.
En 1919, il devient manager de l’hôtel Hermes, puis l’année suivante, il part pour les Etats-Unis où il travaille dans certains des restaurants les plus chers au monde, tout en suivant des études supérieures de cuisine, de confiserie et de diététique.
Il rentre en Grèce en 1932 et fonde une petite école de cuisine et de confiserie. Il sort son célèbre livre de recettes (Odigos Mageirikis), qui est le premier livre de cuisine complet en Grèce. Celui-ci fait l’objet de plus de quinze réimpressions officielles au cours des décennies suivantes.
Influencé par la cuisine française il est le rénovateur de la cuisine grecque et grâce à lui les femmes grecques découvrent la cuisson au beurre et à la crème, la sauce béchamel, le pirojki et la bouillabaisse. D’autres diront que c’est le début de la dénaturation de la cuisine grecque avec l’apport d’éléments ouest-européens. Ce sont des points de vue. Mais peut on vraiment figer à tout jamais une cuisine locale ? Qu’elle était la cuisine grecque avant l’importation des Amériques des aubergines, courgettes, tomates et pommes de terre ?
Contrairement aux version plus orientales, le plat est en Grèce, servi chaud à la sortie du four et contient aussi de la pomme de terre et de la viande de mouton ou d’agneau. Typique pour la version grecque est la couche finale de béchamel montée avec des oeufs entiers et un peu de fromage râpé.
La moussaka turque n’a pas de couches alternantes mais est préparée avec des morceaux d’aubergines sautées et frites, des poivrons verts, des tomates, de oignons et de la viande hachée. Elle est mangée accompagnée de riz pilaf ou de tzatziki (cacik en Turc).
Parfois on y ajoute également des tranches de courgettes sautées, voir des carottes.
La moussaka libanaise, également appelée ‘maghmour’, est plutôt une ratatouille d’aubergines grillées cuite avec des tomates et des pois chiches et qui se sert froide comme élément d’un mezze.
La version égyptienne est composée de couches alternant des aubergines grillées, des tomates et de la viande de boeuf haché, sans sauce blanche.
De manière générale, dans le monde arabe, la moussaka est une salade cuite faite de tomates et d’aubergines, similaire à la caponata italienne et habituellement servie froide comme mezze.
Les variantes macédonienne, bulgare, serbe, bosniaque, monténégrine et roumaine sont préparées avec des pommes de terre ou des courgettes, et non des aubergines. Elles ne contiennent également pas de sauce blanche.
Dans toutes ces variantes, on ajoute généralement des herbes (origan, thym, laurier, …) et des épices (cannelle, piment de la Jamaïque, poivre noir, …).
Donc, conclusion : un plat récent avec plein de variantes selon le pays, la région, le cuisinier ou la cuisinière. Même les grecs ne sont pas d’accord entre eux : dégorger ou pas les tranches d’aubergine au sel, l’épaisseur des tranches, sauter ou griller les tranches, précuire les pommes de terre à l’eau ou à l’huile ou les cuire entièrement dans le plat même, agneau ou mouton, courgette ou pas, fromage entre les couches, uniquement dans la sauce blanche ou également sur le dessus, le type de fromage utilisé, ajout d’oeufs ou pas dans la sauce blanche, etc etc…..
Voici donc ma version retravaillée. Je garde la base traditionnelle d’aubergines, d’oignons et de tomates, des herbes avec surtout l’origan, des épices avec surtout la cannelle, des pommes de terre, une béchamel montée aux oeufs entiers, du haché d’agneau d’épaule et du fromage râpé, idéalement du graviera.
Je rappelle que les photo’s sont le fruit de ma recette précédente. Il faudra retenter l’opération.
INGREDIENTS (4-6P)
Pour un plat rectangulaire de 31 cm sur 23 cm de 7 cm de haut :
- 500 G HACHE D’AGNEAU (PRIS DANS L’EPAULE)
- 1 KG 250 D’AUBERGINES (environ 5)
- 1 GROS OIGNON
- HUILE D’OLIVE
- 300 G TOMATES FRAICHES (A PEU PRES 3) OU DE PASSATA
- 3 C A C D’ORIGAN (BIEN REMPLIES)
- 2 C A S PERSIL PLAT HACHE
- 2 GOUSSES D’AIL HACHEES FINEMENT
- 2 C A S CONCENTRE DE TOMATES
- 2 FEUILLES DE LAURIER
- UNE PINCEE DE PIMENT DE CAYENNE
- 15 CL VIN BLANC SEC
- SEL, POIVRE, GROS SEL
- 750 G POMMES DE TERRE
- 1 BATON DE CANNELLE
- SAUCE BLANCHE
- 75 G BEURRE
- 75 G FARINE
- 1 L LAIT ENTIER
- 3 OEUFS ENTIERS
- 100 G FROMAGE SEC RAPE FINEMENT, IDEALEMENT DU GRAVIERA OU DU GRUYERE, MAIS EGALEMENT DU GRANA PADANO OU DU PARMESAN
- UNE PINCEE DE MUSCADE
- SEL, POIVRE
PREPARATION
Laver les aubergines et les couper en rondelles ou en tranches d’environ 1,5 cm d’épaisseur.
Munir une plaque d’un papier de cuisine. Y déposer les rondelles ou tranches d’aubergines, les saupoudrer de gros sel et les laisser dégorger pendant environ 1 heure 30 : le sel va permettre d’éliminer une grande partie de leur eau, ce qui facilitera la cuisson à l’huile et diminuera le risque d’avoir une moussaka trop détrempée.
Pendant ce temps, peler l’oignon et le hacher finement.
Faire chauffer deux cuillères à soupe d’huile d’olive dans une poêle et y faire dorer les oignons. Ajouter un petit filet d’eau si nécessaire (on ne veut pas des oignons brûlés).
Ajouter la viande et la faire revenir en l’écrasant à la fourchette. Réserver.
Emonder les tomates, les hacher grossièrement et les mixer dans un blender, ou utiliser de la passata.
Ajouter l’origan, le persil, le piment de Cayenne, l’ail, le laurier, le sel, le poivre, la cannelle, les tomates et le concentré de tomates au mélange oignon-haché, arroser avec le vin, couvrir et laisser mijoter à feu doux et à couvert pendant 45 minutes. Ôter le bâton de cannelle. Poursuivre la cuisson afin d’assécher un peu la préparation. Goûter et rectifier l’assaisonnement en poivre et en sel, réserver.
Rincer les tranches d’aubergines, les presser entre les mains afin d’en extraire un maximum l’eau et les sécher avec du papier absorbant.
Faire chauffer de l’huile d’olive dans une grande poêle et y faire frire les aubergines par petites quantités en les laissant dorer des deux côtés.
Ajouter un peu d’huile si nécessaire entre chaque cuisson. Laisser égoutter les aubergines sur du papier absorbant après cuisson. Saler très légèrement les tranches.
Couper les pommes de terre en rondelles très fines et les faire frire dans de l’huile d’olive. Les laisser égoutter sur du papier absorbant. Saler légèrement les tranches.
Préparer la sauce :
Faire fondre le beurre à feu doux dans une casserole.
Ajouter la farine et mélanger avec une cuillère en bois pendant environ 3 minutes.
Arroser peu à peu avec le lait froid en mélangeant toujours, cette fois avec un fouet.
Porter à ébullition, saler, poivrer, ajouter une pointe de muscade et poursuivre la cuisson doucement pendant 20 minutes (le temps qu’il faut afin que la farine absorbe bien le lait), tout en remuant jusqu’à ce que la sauce soit épaisse et onctueuse.
Laisser tiédir la sauce. Rectifier au niveau du poivre et du sel.
Battre légèrement les oeufs et les incorporer à la sauce ainsi que trois cuillères à soupe de fromage râpé.
Faire chauffer le four en combiné haut-bas et chaleur tournante à 250°C.
Prendre un plat très haut, adapté pour la quantité que vous faites.
Etaler une couche d’aubergines dans le plat. Poudrer de fromage râpé. Etaler ensuite une couche de pommes de terre. Poudrer à nouveau de fromage râpé. Recouvrir de préparation à la viande hachée. Poudrer de fromage râpé.
Recommencer l’opération une deuxième fois. Finalement, terminer par une troisième couche d’aubergines.
Napper de sauce blanche. Terminer par un tout petit peu de fromage râpé.
Placer le plat au centre du four. Diminuer le four directement à 160°C. Le dessus va dorer et ensuite la cuisson se fera plus douce sans trop assécher la moussaka.
Faire cuire au total pendant 60 minutes.
Sortir le plat du four, patienter 10 minutes et déguster.
Bon Appétit !
Merci Mark voici le souper de demain mardi…. 😉
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Mu,
Bon repas! Si tu as une belle photo après…
Mark
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